Le taux d’usure bloque les crédits immobiliers !

Même dans un contexte de remontée progressive, mais soutenue des taux de crédit, le marché immobilier reste extrêmement dynamique – notamment à Paris. Mais le taux d’usure, mécanisme protecteur de l’emprunteur, vient enrayer la machine : alors que les banques se montrent favorables à l’octroi de prêts immobiliers, les transactions sont bloquées par un taux d’emprunt proposé, inférieur à celui du taux maximum autorisé. Au-delà de sa réévaluation, programmée au 1er juillet, les professionnels de l’immobilier enjoignent Bercy de revoir son mode de calcul. 

Crédit immobilier : les taux en augmentation

Les taux d’emprunt au juin 2022

En juin 2022, les chiffres de l’Observatoire Crédit Logement CSA font état d’un taux moyen de : 

  • 1,15 % sur 7 ans, avec un taux le plus bas à 0,75 % ;
  • 1,20 % sur 10 ans, avec un taux le plus bas à 0,65 % ;
  • 1,40 % sur 15 ans, avec un taux le plus bas à 0,90 % ;
  • 1,50 à 1,55 % sur 20 ans, avec un taux le plus bas à 1,10 % ;
  • 1,70 % sur 25 ans, avec un taux le plus bas à 1,30 %.

Par rapport à mai 2022, les valeurs ont augmenté de 5 centimes pour les crédits sur 7, 20 et 25 ans, quand elles sont relativement stables sur 10 et 15 ans. Pour rappel : le taux d’emprunt, de juin 2021, était de 1,05 % en moyenne, toutes durées confondues.

Une hausse progressive et soutenue

Les taux de crédits immobiliers de juin 2022 reflètent une tendance haussière observée depuis le début de l’année. Cette augmentation s’explique par la combinaison de 2 facteurs : la hausse du taux des OAT 10 ans, le taux d’intérêt des emprunts de l’État français sur 10 ans et l’inflation, reflet des difficultés d’approvisionnement liées à la covid-19 et à la guerre en Ukraine.

Selon l’Observatoire, la progression du taux d’inflation est de +139 points de base, depuis décembre 2021 et de +146 points pour l’OAT 10 ans, alors qu’elle n’est « que » de +32 points de base pour les taux d’emprunt, même si le phénomène s’accélère depuis 3 mois.

Sur ce sujet, François Villeroy de Galhau, le gouvernement de la Banque de France, appelle à prendre davantage de recul : « Tout le monde semble avoir un peu oublié, mais le crédit immobilier est plutôt de l’ordre de 2 à 3 % habituellement. On sort de conditions exceptionnellement favorables, qui étaient justifiées par une inflation trop faible, et l’on va vers des conditions de financement plus normales », souligne-t-il.

Le protecteur taux d’usure bloque les achats

Un mécanisme de protection de l’emprunteur

Fixé par la Banque de France, le taux d’usure est construit par la moyenne des taux de crédits accordés sur le trimestre précédent et majoré d’un tiers. Son principal objectif est de protéger les emprunteurs, d’un pourcentage d’intérêts abusif. Chaque trimestre et pour chaque type de prêts (dont les prêts immobiliers, mais aussi les crédits relais et les crédits à la consommation), la Banque de France détermine ce taux – interdisant, de fait, à tous les organismes de crédits, de le dépasser.  

Si cette hausse des taux de crédits immobiliers touche tous les profils d’emprunteurs, certaines transactions se retrouvent bloquées, uniquement par le mécanisme du taux d’usure, alors même qu’elles sont validées par les banques… En effet, le taux annuel effectif global (TAEG) ne peut dépasser ce taux d’usure : or, comme le TAEG intègre le taux nominal des banques, mais aussi celui de l’assurance emprunteur, des frais de dossier, de garantie, etc., l’écart entre ces 2 taux de référence est faible.

L’effritement progressif du taux d’usure

Depuis près d’un an, le taux d’usure ne cesse de s’effriter, se réduisant progressivement de quelques dixièmes de points, à chaque trimestre : en juillet 2021, il était de 2,48 % pour les crédits immobiliers de 20 ans ; il est passé à 2,41 %, en janvier 2022, pour atteindre 2,40 %, en juin 2022. En effet, comme le taux moyen pratiqué au 2e trimestre 2022, pour les crédits de 20 ans, était de 1,8 %, le taux d’usure appliqué actuellement est de 2,4 %, soit 1,8 % majoré d’un tiers.

Aujourd’hui, la conjoncture actuelle crée un « effet ciseau », qui contribue au rejet de 1 prêt sur 5 à cause de cette règle, agissant indifféremment sur les dossiers des plus fragiles, comme sur celui des plus aisés. 

Bercy, sollicité pour sauver le marché immobilier

L’échéance de réévaluation du taux d’usure le 1er juillet

À l’échéance du 1er juillet, qui marque le début d’un nouveau trimestre, le taux d’usure va être recalculé et devrait légèrement grimper. En effet, l’actuel taux ne répercute pas la remontée substantielle des taux d’emprunt observée depuis le 1er avril dernier, d’où l’effet « ciseau », qui exclut mécaniquement certains ménages de toute obtention de prêt…

Mais, les professionnels de l’immobilier estiment que cet ajustement ne sera pas suffisant pour soutenir le marché : or, si le sujet est très technique, il a des conséquences financières potentiellement sensibles pour les Français. Une question qui revêt une dimension politique à la veille des débats autour du pouvoir d’achat…

Vers un changement de son mode de calcul ?

Face à ce mode de calcul, jugé trop complexe et pas assez souvent actualisé, le ministère de l’Économie apparaît comme prêt à le faire évoluer : il dit même « travailler à des solutions rapides pour tenir compte de l’impact de la remontée des taux d’emprunt sur les taux d’usure ».

Après s’être entretenu avec la Fédération bancaire française, à la fin du mois de mai, Bercy doit rapidement trouver le juste équilibre, entre l’accession à la propriété et la protection des consommateurs…

Affaire à suivre !

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